ForumGéorgie: la longue chevauchée vers l’Ouest

Forum / Géorgie: la longue chevauchée vers l’Ouest
 Photo: Pixabay/archikl

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En décembre dernier, la Géorgie, ex-République soviétique, mais une des premières à se détacher de son voisin russe encombrant, a posé sa candidature pour rejoindre l’Union européenne. Cet événement historique, combiné avec le match de football Géorgie-Luxembourg de jeudi prochain, également historique pour notre histoire footballistique, (match auquel le soussigné assistera sur place), est l’occasion de jeter un coup d’œil analytique sur ce pays, au pied des montagnes du Caucase, entouré en bonne partie par la Russie, au Nord et à l’Est, de plus en plus menaçante et de plus en plus impérialiste, avec laquelle elle partage également l’accès à la Mer noire.

D’autres voisins, au sud, sont la Turquie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Située entre l’Europe et l’Asie, la Géorgie a toujours été au croisement des routes commerciales que parcouraient encore récemment les caravanes transportant des épices et de la soie, sous la double influence de l’Orient et de l’Occident. On y voit donc à la fois l’Orient perse et les vestiges de l’industrialisme soviétique.

Futur membre de l’Union européenne?

Depuis quelques années, la Géorgie est résolument tournée vers l’Europe, 80 pour cent des 3,7 millions d’habitants approuvent une adhésion, même si le pays est considéré depuis toujours comme un pays entre deux mondes. Pour info: avec 1,5 million d’habitants. Tbilissi, la capitale, en compte presque la moitié. Le pays a sa propre langue et un alphabet autonome de 33 lettres.

Le fait est que depuis la dernière invasion russe, en 2008, plus de 20 pour cent du territoire géorgien est dorénavant occupé par le grand voisin, qui, plus que jamais, et surtout depuis l’invasion de l’Ukraine, fait peur. Un sort identique à l’Ukraine, comme une épée de Damoclès, pointe à l’horizon …

Pour l’Europe la Géorgie représente à la fois un enjeu géopolitique et philosophique. Elle fut d’ailleurs une des premières ex-républiques soviétiques, en 2004, suite à la „révolution des roses“, à se dégager de l’influence de Moscou et à essayer de mettre en place un gouvernement pro-européen et réformateur, considéré un peu comme un modèle de modernisation. Aujourd’hui, le gouvernement plus autoritaire regarde plutôt vers la Russie, dont l’emprise sur la Géorgie, notamment économique, ne cesse de grandir. L’ancien président Saakachvili, pro-occidental, emprisonné pour abus de pouvoir, ne cesse de répéter que le pays, en tant qu’Etat indépendant, risque de disparaître s’il reste dans la zone grise, entre la Russie et l’Europe, et plaide donc pour une adhésion à l’Union européenne, au mieux à moyen terme. La présidente actuelle, sans pouvoir constitutionnel, est une ancienne ambassadrice de la France à Tbilissi et sa double nationalité lui a permis d’occuper ce poste. Elle est d’ailleurs considérée, contrairement au gouvernement qui tergiverse, comme le moteur du processus d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne.

Du côté de l’Union européenne, suite à l’invasion russe en Ukraine, on avait accordé, certes, le statut de pays candidat à la fois à la Géorgie et à la Moldavie. Mais la corruption à grande échelle, la mauvaise situation de l’Etat de droit et le recul démocratique ne font pas accélérer le processus, encore que des manifestations pro-européennes du peuple n’aient pas laissé indifférent Bruxelles. Ici et là-bas, on se méfie de la stratégie de Poutine qui a déjà fait ses preuves quand il s’agissait de soumettre ses voisins: s’emparer des territoires par la force et s’emparer du pouvoir politique par des élections manipulées.

Et Bruxelles, c’est tellement loin …

Candidat sous conditions

Ainsi, en novembre 2022, la Commission européenne, appelée à analyser les candidatures et à faire prochainement, le cas échéant, des propositions, a estimé que la candidature de la Géorgie était recevable tout en posant un certain nombre de conditions et exigeant des réformes institutionnelles importantes. Dans ce contexte les Européens sont confrontés à un vrai dilemme: conférer le statut de candidat à un pays est considéré comme une première récompense, alors que la situation politique de la Géorgie continue à se caractériser par un exercice du pouvoir autoritaire et contraire aux valeurs européennes, même si officiellement le discours du pouvoir politique géorgien est un autre. Mais un refus serait considéré comme une punition. Il y a donc un vrai risque que le statut de candidat renforce la répression du pouvoir, notamment contre les médias libres. Tel est également le souci des „Géorgiens européens“ au sujet des élections législatives prochaines qui auront lieu fin 2024 et du danger de manipulation, qui est réel, une fois de plus.

Cela rejoint l’avis de l’ancien président cité plus haut qui avait, déjà en 2008, plaidé pour une intégration dans l’OTAN, à l’époque soutenue par le président américain G Bush, mais bloquée, de peur de compliquer les relations avec la Russie, par les principaux chefs d’Etats européens de l’époque, Sarkozy et Merkel. On préférait le flou, sachant que là où il y a du flou, il y a un loup, car un mois plus tard, Poutine a envahi la Géorgie.

L’avenir est incertain. Il est de notoriété que Poutine ne cèdera pas facilement, il y a trop de cinquièmes colonnes dans ce pays. La Géorgie est un pion essentiel en Mer noire, considéré depuis des lustres comme un lac soviétique. Par contre elle occupe une position importante en Transcaucasie, où le pouvoir d’influence de la Russie est en régression.

La Russie, par sa guerre contre l’Ukraine, se proposait notamment de contrer l’élargissement de l’OTAN. Le succès n’est guère probant, car entretemps au nord la Finlande et la Suède ont rejoint l’institution atlantique, et, probablement, bientôt, la Géorgie au sud. C’est pourquoi le sort de cette dernière ne peut nous laisser insensibles en Europe.

Sachez que d’ores et déjà, et ce depuis 1999, ce pays est membre du Conseil de l’Europe, la grande Europe des Droits de l’homme, qui compte 46 pays membres avec son siège à Strasbourg et dont la Russie a été exclue après son invasion de l’Ukraine.

Le football en Géorgie: la politique n’est pas loin

Il faut savoir que le football est le sport le plus populaire en Géorgie, mais est-ce vraiment une nouvelle? Tel est le cas dans la plupart des pays de la planète. Le palmarès de l’équipe nationale est plutôt modeste. Tel n’est pas le cas de l’équipe du Dynamo Tbilissi, le club phare de la capitale, qui affiche 15 titres de champion au compteur, dans un championnat national qui a connu son indépendance également depuis 1990 seulement. Avant cette date, les équipes géorgiennes participaient, sans grand succès, au championnat soviétique de football.

Que dire d’autre de ce pays qui cherche sa voie, également dans le domaine du foot. Ah oui! Il y a un joueur, du nom de Kaladze, qui a défrayé un peu la chronique. En effet, il a été joueur professionnel et emblématique du Milan AC, pendant 9 ans, et deux fois vainqueur de la Ligue des champions.

Après sa carrière footballistique, il est entré en politique (ah, tiens!), fut pendant cinq ans ministre de l’Energie et des Ressources naturelles, et depuis 2017 il est maire de la capitale Tbilissi. Le fait qu’il a son effigie reproduite sur un timbre postal, montre à quel point nous avons affaire à une véritable vedette du sport et de la politique géorgiennes.

Dans un tout autre contexte, sachez qu’au sein du classement de la FIFA, sur presque 200 nations, la Géorgie occupe la place 77 et le Luxembourg la place 85. Donc tous les deux, on est au beau milieu du peloton. La confrontation historique, pour le football luxembourgeois et pour celui de la Géorgie, s’annonce très disputée. Le vainqueur sera appelé à jouer dans la cour des grands, du jamais vu pour l’un et pour l’autre.

Il y aura du sport, jeudi, dans les tribunes du stade de Tbilissi qui recevra plus de 55.000 spectateurs, dont quelques 300 supporters luxembourgeois, noyés dans une enceinte chauffée à blanc.

Même pas peur!

Roude Léiw, huel se!

L’auteur est un ancien député et international de football
L’auteur est un ancien député et international de football