FranceLe déficit public atteint 5,5% de son PIB

France / Le déficit public atteint 5,5% de son PIB
2023 a été l’année du dérapage. Et maintenant arrivent les agences de notation. Foto: AFP

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Les chiffres officiels de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) sont tombés hier matin, et ils ne sont vraiment pas bons: le déficit public de la France a atteint 5,5% du produit intérieur brut en 2023, et sa dette s’établit à 110,6%, à 3.101 milliards. Ce déficit – qui représente quelque 154 milliards d’euros – est nettement plus élevé que les 4,8% déjà alarmants réalisés en 2022, et que les 4,9% initialement prévus par le gouvernement.

Ce degré d’endettement fait que le „service“ de la dette, autrement dit le paiement de ses seuls intérêts, est en passe de devenir le premier budget de l’Etat, devant ceux de l’Éducation nationale et de la Défense; il devrait en tout cas s’établir autour de 55 milliards d’euros dès 2024, contre 34 milliards en 2020. Autre conséquence fort redoutée à l’Elysée comme au ministère des Finances, toujours dirigé depuis sept ans par Bruno Le Maire: les agences de notation pourraient bien abaisser encore la note de la France.

C’est dans un mois, le 26 avril, que devraient se prononcer les agences Fitch et Moody’s; le 31 mai – on sera alors à moins de dix jours des élections européennes, dans la perspective desquelles la position du camp macronien n’est pas fameuse, à en croire les sondages – tombera le verdict de Standard and Poor’s. Même si l’électorat français n’a pas nécessairement les yeux rivés aux appréciations des agences internationales de notation, l’effet produit en cas de nouveau recul de la notation, qui a déjà été rétrogradée à un simple AA, rendrait évidemment la position de la majorité présidentielle plus délicate encore.

Comment expliquer cette dégradation accélérée des finances publiques de la France, qui fait de Paris, sur ce terrain, l’un des plus mauvais élèves de la classe européenne, devant l’Italie (et, selon certains critères, la Grèce)? En fait, le ministre des Finances avait beaucoup misé sur une hausse des recettes fiscales de l’Etat pour amorcer, après les chocs successifs du Covid et de la guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine, un redressement significatif.

Or, après une assez bonne surprise en 2022, c’est tout le contraire qui s’est produit: 2023 aura été l’année du grand dérapage.

Le „rendez-vous manqué“ des recettes fiscales

Et cela bien que les dépenses publiques aient, non pas ralenti – il ne faut pas rêver! – mais du moins augmenté un peu moins vite, à plus 3,7%, contre 4% l’année précédente. Mais c’est le rendement de l’impôt qui n’a pas été au rendez-vous: „Les recettes fiscales ont baissé fortement“, constate l’INSEE dans son rapport. Car ces recettes „ont été pénalisées par le ralentissement de l’économie, par des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et par un recul des transferts reçus“.

De sorte qu’elles n’ont progressé que de 2% en 2023, contre 7,4% en 2022. Le taux de prélèvement obligatoire a représenté 43,5% du PIB en 2023, contre 45,2% en 2022, suscitant, selon Bruno Le Maire, une perte de l’ordre de 21 milliards d’euros. Pour détailler un peu les choses, et toujours selon les chiffres de l’INSEE, les impôts ont augmenté de 0,3% seulement, cependant que les recettes de la TVA, de loin les premières sources de revenus de l’État, augmentaient certes de 2,8% … mais dans un contexte où l’inflation s’élevait à 4,9%. Quant à l’impôt sur les sociétés, il a enregistré une diminution très marquée: 10,7 milliards d’euros.

Voici donc le gouvernement placé devant une situation d’autant plus délicate, outre le prochain contexte électoral européen, que Bruno Le Maire s’est engagé à revenir en 2027 à un déficit public inférieur (ou au pire égal) aux fameux 3% du PIB fixés à Maastricht, alors que se jouera la succession d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Succession à laquelle il semble bien vouloir postuler, ambition que ses résultats économiques et surtout financiers immédiats risquent fort de plomber.

C’est promis: pas de nouveaux impôts

Mais que faire? Le credo gouvernemental tient pour l’instant en deux points. Un: le retour de la croissance, et dans la foulée l’amélioration de l’emploi, devrait enfin gonfler ces ressources fiscales actuellement si défaillantes; et deux: il n’est surtout pas question, pour renflouer les caisses de l’Etat, de créer de nouveaux impôts.

Mais beaucoup font aussi valoir à mi-voix, dans les rangs macronistes, quil faudrait aussi, voire surtout, réduire enfin sérieusement le train de vie de l’Etat et son „mille-feuilles administratif“; peut-être aussi, même si c’est plus difficile à avouer, revoir à la baisse le montant des prestations sociales, au moins certaines d’entre elles. Ce qui, ajoutent la droite et le Rassemblement national, obligera par voie de conséquence l’exécutif à réduire aussi la voilure de sa politique migratoire.

En attendant, on est, avec la publication de ces derniers chiffres officiels, bien loin de la modeste promesse du ministre des finances de trouver, pour boucher les trous, environ 10 milliards d’euros. Les plus optimistes estiment désormais que c’est plutôt de quelque 30 à 40 milliards que l’Etat a besoin pour rétablir la situation, en attendant mieux. Et que le plus tôt sera le mieux. Reste à savoir comment.