Au Musée national d’histoire et d’artUne ambiance baroque: la Haukohl Family collection fait halte au MNHA

Au Musée national d’histoire et d’art / Une ambiance baroque: la Haukohl Family collection fait halte au MNHA
Avec au premier plan le „Saint François d’Assise“ de Francesco Lupini (1588-1652) de la collection du MNHA

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Huit des 38 œuvres présentées sont celles que le Musée national d’histoire et d’art (MNHA) a acquises ces dernières années pour accompagner l’exposition. Cette dernière révèle la richesse de l’art florentin dans un style auquel on n’associe pas forcément la capitale toscane. 

Arrivé le 1er juillet dans l’équipe du MNHA, Ruud Priem aura déjà préparé quatre expositions quand l’année se sera achevée. Le nouveau conservateur des collections d’art internationales complète en terres luxembourgeoises son „tour du Bénélux“, comme il le résume en souriant. A 51 ans, le natif d’Utrecht a déjà œuvré durant dix ans au service du Rijksmuseum d’Amsterdam, pour le compte duquel il a organisé sept exhibitions itinérantes et cinq ans au Museum Catharijneconvent, musée d’art religieux de sa ville natale. Il travaillait pour l’Hospitaalmuseum de Bruges depuis plusieurs années lorsqu’une coopération avec le MNHA entamée en 2019 pour l’exposition „De Mena, Murillo, Zurbaràn – Masters of The Spanish Baroque“ lui a donné l’envie de postuler au poste de commissaire qui se libérait l’année suivante.

Ce n’est pas tout à fait à un hasard si sa première tâche fut de donner un écrin à la collection familiale Haukohl, qui fait aussi bien écho à l’exposition qui l’a menée au Luxembourg qu’à ses années d’étudiants en Toscane.

C’est aussi l’envers de l’exposition „L’âge d’or hollandais: de Rembrandt à Vermeer“ qu’il a conçue  et qui fut visible pour la Pinacothèque de Paris durant l’hiver 2009/2010. Florence entre 1620 et 1730 a perdu de sa superbe. L’ancienne capitale des arts n’en est plus alors qu’un chef-lieu, qui semble vivoter à l’ombre des écoles comme celles de Rome, Venise et Naples.

La collection de la famille Haukohl, considérée comme la plus importante du genre hors d’Italie, aide justement à faire saisir toute l’importance et l’originalité de l’art né à Florence à cette époque. Le titre de l’exposition „Beyond the Medici“ invite à briser les idées reçues.

Cette réhabilitation pourrait bien tenir à une simple tempête de neige dans les années 80. Comme souvent dans ce genre de démarche, le mécène a droit à une large place dans la documentation qui accompagne l’exposition. On y lit la légende véridique selon laquelle Mark Haukohl doit aux intempéries le fait de s’être retrouvé sans concurrence dans une salle aux enchères et d’avoir pu ainsi acquérir à un prix acceptable un premier tableau d’art baroque florentin. La légende se poursuit lorsqu’on lit que Salvador Dalí, son voisin de chambre lors d’un séjour à l’hôtel, lui aurait dit de poursuivre sa collection en personne.

C’est aussi à une rencontre, survenue lors d’un dîner privé au Luxembourg où le collectionneur et le directeur du MNHA et co-commissaire de l’exposition, Michel Polfer, dinèrent côte à côte, que l’on doit la décision de montrer, pour la première fois, ces trésors en Europe. Déjà passée par Augsburg et Braunschweig, l’exposition finira sa tournée en 2021 par le Bozar de Bruxelles.

L’éloquence en plus

Les tableaux présentés dans le cadre de „Beyond the Medici“ sont toujours des toiles de taille modeste, le format emblématique de ce Seicento de la peinture florentine, généralement centrés sur une figure dominante qui regarde vers le spectateur. La plupart des motifs sont religieux, basées sur une étude préliminaire, dont on découvre un exemplaire de la main de Pietro Dandini, tandis qu’à Rome et Naples, à la même époque on se basait sur le naturalisme et les contrastes lumières et ombres et qu’à Venise on faisait dans les couleurs et la spontanéité. 

La première salle, consacrée au début du XVIIe siècle, entend faciliter les comparaisons entre ces écoles mais aussi entre les différentes tendances à l’intérieur même de l’art florentin. La mise en scène est particulièrement soignée et donne toute sa solennité à la visite, par des murs revêtus d’un rouge chaud qui rappelle la couleur des Médicis et qui sied bien aux cadres somptueux et dorés de la majorité des œuvres présentées. A partir du mois de décembre, deux sofas rouges seront d’ailleurs installés dans la première salle pour parfaire l’atmosphère baroque. 

Ce n’est pas seulement dans la scénographie que le musée peut apporter sa touche. Il  peut le faire aussi dans le choix des oeuvres. Le MNHA a choisi les 30 qui l’intéressaient sur une liste. Mais le musée a aussi la libertté de faire dialoguer la collection américaine avec les huit tableaux venus enrichir la collection du MNHA ces dernières années dans l’optique de cette exposition. 

„Une exposition est toujours une possibilité de donner temporairement une famille à une certaine sous-partie de la collection permanente, par laquelle on en apprend plus sur sa propre collection et on peut raconter de nouvelles histoires“, explique Ruud Priem. Ces ajouts donnent une „éloquence“ supplémentaire au tout.

Le troublant Saint Jean-Baptiste de Cecco Bravo qu’on croirait sorti du XIXe siècle, sous le pinceau d’un Manet, permet ainsi de rappeler toute la diversité de l’art baroque florentin. Les deux dernières acquisitions, exposées ici pour la première fois, dépeignant Saint-Luc et Saint-Jean, complètent et font apprécier à sa juste valeur le talent d’Ottavio Vannini présent dans la collection de la famille Haukohl avec notamment l’allégorie „Méditation“, une femme au teint diaphane, calme, reposant un bras sur des livres et portant des vêtements déchirés qui rappellent la modestie nécessaire à l’exercice.

L’aspect pédagogique de cette première salle est renforcée par la présentation de quatre reliefs en stuc polychrome réalisés au XVIIIe siècle par Antonio Monauti qui viennent rompre un instant la progression chronologique de l’exposition. Ils rappellent des grands noms de cette Renaissance florentine, Machiavelli, Galileo, Michelangelo, et sont l’occasion d’évoquer la grande époque de Florence qui a précédé l’art baroque.

L’art du cadre

La deuxième salle est consacrée à la famille Dandini, la plus importante famille florentine de peintres qui traverse ce siècle baroque, qui s’est fait connaître pour leurs portraits de femmes. Là aussi on peut admirer „Le banquet de Cléopâtre et Marc Antoine“‚ de Pier Dandini. Le tableau qui immortalise le repas durant lequel Cléôpatre dissout une perle de grande valeur dans le vinaigre pour dépasser en grandeur Alexandre permet la comparaison avec une oeuvre tout aussi mythique de la Haukohl collection 

Une exposition est toujours une possibilité de donner temporairement une famille à une certaine sous-partie de la collection permanente, par laquelle on en apprend plus sur sa propre collection et on peut raconter de nouvelles histoires

Ruut Priem, conservateur des collections d’art internationales au MNHA

Les artistes qui retrouvent une nouvelle notoriété avec cette exposition se nomment Jacopo da Empoli, Felice Ficherelli, Francesco Furini et Onario Marinari. La technique minutieuse de ce dernier le contraignait à ne se lancer que dans des œuvres raffinées de petite, voire de moyenne taille. C’est sa Vierge à l’enfant qui orne le matériel de promotion du MNHA et qui s’affiche sur les murs de la ville.

On peut contempler la perfection de sa peinture dans la troisième salle consacrée à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. C’est là aussi que l’on peut découvrir „Arlequin et Colombine“ de Giovanni Domenico Ferretti qui vaut autant pour son cadre que pour sa toile. 

„Arlequin et Colombine“ de Giovanni Domenico Ferretti
„Arlequin et Colombine“ de Giovanni Domenico Ferretti

Présents

En parallèle de l’exposition sur l’art baroque florentin qui court jusqu’au 21 février, le dernier étage du musée accueille sous les toits „The museum project“ (jusqu’au 28 avril), soit 38 des 58 photographies données en juin par le Museum Project. Cette association philanthropique créée en 2012 par deux photographes américains, a déjà offert en signe de reconnaissance plus de 6.000 photos à des institutions qui collectionnent et exposent des photographies.
La dernière expo du genre au MNHA est celle  de Carla van de Puttelaar, visible encore jusqu’au 6 décembre. La prochaine sera celle consacrée à Alfred Seiland, qui, après „Imperium Romanum“ en 2015, reviendra à l’automne 2021 avec un travail sur l’Iran.
Pour montrer la  sélection opérée par le MNHA – la totalité de la collection étant visible sur internet –, Ruud Priem a essayé de former des blocs cohérents. On passe ainsi de scènes de présence humaine à des tirages plus artistiques à base de collages à un wall of fame (avec Carlos Santana et Andy Warhol en guest stars).
Parmi les perles, il y a trois exemplaires d’un exercice que la photographe Nancy Webber s’est plu à faire au début des années 80 et que les amateurs d’art ont redécouvert durant la pandémie. Elle a accolé à des reproductions d’œuvres d’art des mises en scène contemporaines, montrant par exemple la troublante ressemblance entre un pêcheur et le roi Henri VIII peint par Hans Holbein.
La partie consacrée aux photos de nature et de paysage recèle de nombreux bijoux, dont ces traces de demi-tours réalisés par un tracteur qu’on prendrait pour des messages laissées par une civilisation disparue. Ces photos de paysages sont les plus évidentes candidates à retrouver une „nouvelle famille“, à l’occasion d’expositions futures. En effet, en 2022, le MNHA devrait accueillir une exposition sur les jardins et paysages.