Passion livresLe roi des rêveurs

Passion livres / Le roi des rêveurs
Daniel Pennac Photo: Francesca Mantovani/Gallimard

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DANIEL PENNAC Une „autofiction rêvée“ et un plaisir de gourmet littéraire

Empreint d’une liberté tendre et énergisante, „La Loi du rêveur“, dernier roman de Daniel Pennac, pousse la grande et mystérieuse porte du rêve, entraînant son lecteur dans une aventure introspective et labyrinthique en forme d’hommage à Fellini – et au psychanalyste et éditeur J.-B. Pontalis, disparu en 2013.

„La Loi du rêveur“ ne connaît pas … de loi. Sûre de ses forces, consciente de son potentiel en matière de liberté et d’excentricité, certaine de ses pouvoirs d’invention, cette loi-ci, lorsqu’elle est maniée par un spécialiste, et Daniel Pennac en est un, possède les moyens de la fiction la plus fantaisiste et la plus romanesque. Le père de la famille Malaussène, qui n’a plus rien à prouver en matière d’invention, s’amuse à partir en randonnée onirique en compagnie de sa tribu, qu’il choisit de retrouver sur place, c’est-à-dire dans ses rêves. Mais „sait-on vraiment quand commence un rêve?“, s’interroge l’auteur, qui enchaîne les récits en chausse-trappes, les farces et les attrapes, dans un roman facétieux et joueur.

Daniel Pennac est en effet un habitué du langage des rêves, qu’il note soigneusement chaque matin au réveil, sans d’ailleurs aucune arrière-pensée psychanalytique, mais tout de même fasciné par le pouvoir d’invention qui se manifeste dans ce souvenir de la nuit encore vivace. Une habitude qui a naturellement conduit l’écrivain à transcrire quelques-unes de ses aventures nocturnes en terre de littérature, tant les deux univers se complètent, se parlent et se répondent, dans l’esprit de l’auteur. Car „un écrivain, même bourré d’imagination, ça n’invente pas grand-chose“. Et puis, „raconter un rêve, c’est l’imaginer autant que s’en souvenir“, „c’est transformer la sensation en récit“, c’est „faire des histoires“.

Alors, à coups de rêves et d’imagination, de sensations et de souvenirs mis bout à bout, d’anecdotes familiales et fanstasmées, Daniel Pennac se plaît à nous embarquer dans un monde mouvant où toutes les barrières (du réalisme) s’abaissent l’une après l’autre, laissant la place à un formidable terrain de jeu, très largement ouvert. Et c’est ce qui reste remarquable chez l’auteur de „La Fée Carabine“ (Série Noire, 1987) et de „La Petite Marchande de prose“ (Gallimard, 1990): sa capacité à susciter le désir de littérature, à ouvrir grand les portes du roman. Ici, grâce à la puissance évocatrice du rêve, mais aussi à travers son amour pour le grand Federico Fellini, autre praticien génial de la puissance onirique, parent bienveillant „plus précieux qu’une famille“, dont les films, année après année, ont construit son imaginaire. A tel point que le cinéaste, à lui seul, devient l’échelle du temps: vieillir, écrit Daniel Pennac dans cet hommage délicat au maestro du rêve, „c’est constater que plus personne ne connaît Federico Fellini“.   (Laurent Bonzon)

Daniel Pennac

„La Loi du rêveur“
Gallimard, 2020
172 p., 17 €