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Ancien coopérant en Bolivie pendant 7 ans, j’ai soutenu depuis les années 80 des projets de solidarité et de développement en Bolivie avec l’ONG „Frères des hommes“. J’ai lu l’article „Coup d’Etat en Bolivie“ de Monsieur Jean Feyder dans le Tageblatt du 12 décembre et me sens obligé de réagir.

L’expression „coup d’Etat“ nous rappelle les années sombres des dictatures militaires. La rébellion populaire contre Evo Morales (EM) a été essentiellement organisée par les jeunes des villes, issus des classes moyennes et populaires, et contre la fraude électorale. Elle a aussi mobilisé des paysans, des mineurs, des médecins et des enseignants.

L’argument du „coup d’Etat fasciste et raciste“ a évidemment été utilisé par EM dès le lendemain des élections afin de discréditer l’énorme vague de contestation qui paralysait le pays. Que Cuba, que le Nicaragua de Daniel Ortega, le Venezuela de Nicolas Maduro dénoncent un „coup d’Etat“ n’est guère surprenant. Ils ont tous en commun la volonté de s’accrocher au pouvoir aux frais de la démocratie. Les forces armées ont en effet suggéré à EM de se démettre de ses fonctions. Cela s’est fait quand l’intensité du conflit, le nombre des victimes, les actes de sabotage des biens publics et la présence de groupes armés mettaient en péril la population. La Centrale ouvrière bolivienne et la Fédération des mineurs de Bolivie, proches d’EM, lui ont également demandé de démissionner. La police s’était déjà mutinée le 8 novembre dans plusieurs villes, ne voulant plus être utilisée contre les manifestants et pour la protection des groupes pro EM qui attaquaient les barricades. De plus, il faut savoir qu’EM a donné l’ordre à ses bases militantes de bloquer les accès aux principales villes pour provoquer des pénuries.

Retour de la droite

EM a démissionné, ainsi que son vice-président et plusieurs ministres. S’ensuivit alors le déroulement d’un processus soigné de constitutionnalité. Suite à la démission d’ EM et de son vice-président, on s’est adressé à la présidente du Sénat pour assumer la présidence. Or, elle aussi avait démissionné de même que le président de la Chambre des députés. Finalement, Jeanine Añez, la suivante sur la liste, a dû assumer la présidence. Ceci représente bien sûr un retour de la droite, mais pas pour autant illégal. Il a pour but de combler le vide présidentiel et de convoquer de nouvelles élections dès que possible.

Depuis son exil au Mexique, EM a poussé ses bases du MAS (Movimiento al socialismo) à résister et à se mobiliser. Par ses messages, il a ainsi manqué au droit d’asile international qui interdit à l’exilé d’intervenir dans le conflit. Jusqu’à la démission d’EM le 10 novembre 2019, huit parmi les dix tués étaient issus de la rébellion et beaucoup d’indices pointent les responsabilités du côté des militants du MAS. Suite à la démission d’EM et là la tentative des forces armées d’empêcher les militants d’entrer à Cochabamba, il y a eu des morts dans les rangs du MAS, mais beaucoup d’indices démontrent que police et forces armées ont aussi été prises pour cibles par des militants armés du MAS.

Notons le cas de cet ex guerillero des FARC colombiennes, hospitalisé à Santa Cruz. Selon les rapports de police, plusieurs citoyens cubains et vénézuéliens en possession d’argent, d’armes et d’explosifs ont été arrêtés. Le sociologue bolivien Marco Gandarillas, plusieurs fois invité au Luxembourg par l’Action solidarité Tiers Monde (ASTM), explique clairement tout ceci dans une interview du woxx du 21 novembre.
„Quand il y a coup d’Etat il n’y a pas de succession constitutionnelle! Tu n’as pas pensé qu’ignorer un principe constitutionnel, à savoir ignorer la volonté populaire, et que vouloir s’accrocher au pouvoir contre cette volonté populaire, est un vrai ,coup d’Etat‘?“

Le référendum

C’est avec ces mots durs que Rafael Puente, ex vice-ministre de l’intérieur et gouverneur de Cochabamba durant le premier mandat d’Evo Morales, s’est adressé à ce dernier dans la presse. Le troisième mandat d’EM était déjà contraire à la Constitution. Mais il a obtenu une sentence du Tribunal constitutionnel contrôlé par le MAS, affirmant que son premier mandat n’entrait pas en compte car antérieur à la Constitution actuelle.

Dès le début du troisième mandat EM a essayé de modifier la Constitution afin de pouvoir postuler à un quatrième mandat. Il a, à cet effet, organisé un référendum le 21.2.2016. Le peuple a répondu par la négative! Une fois de plus le Tribunal constitutionnel l’a aidé EM, prétendant qu’il s’agissait d’un „droit humain“ de se présenter à la réélection. EM a alors fait pression sur des magistrats du Tribunal suprême électoral (TSE) qui ne lui étaient pas acquis afin qu’ils démissionnent et soient remplacés par des gens du MAS. La future fraude électorale était dès lors possible.

Le Parlement européen a refusé de qualifier de „coup d’Etat“, avec 234 votes contre, 44 votes en faveur et 88 abstentions, la sortie du pouvoir d’EM.

Après un travail d’un mois de plus de 30 spécialistes de différents pays du continent pour réaliser un audit l’Organisation des Etats américains (OAS), a publié son rapport final, déclarant qu’elle ne pouvait pas valider les résultats des élections. Selon l’OAS il y a eu altération des fiches de comptage lors du dépouillement des bureaux de vote et falsification des signatures des jurés. Dans le traitement des résultats il y a eu envoi du flux de données vers deux serveurs dissimulés et non contrôlés par le personnel du TSE. Ceci a rendu possible la manipulation des données. S’ajoutent à cela de graves irrégularités dans la protection des fiches de comptage et la perte de matériel sensible.

La Mission technique des experts électoraux de l’Union européenne (MEE-UE) a réalisé un suivi avant, pendant et après les élections. Elle a retenu que celles-ci étaient caractérisées par la crainte préalable généralisée d’une fraude, à cause d’une méfiance à l’encontre du TSE. La MEE-UE a relevé des erreurs et irrégularités dans les fiches de comptage. Elle coïncide aussi avec le rapport de l’OAS concernant la „manipulation dolosive du scrutin“.

EM a été un bon président pour les classes moyennes et populaires à qui il a permis de devenir acteurs de la vie politique nationale. Il a beaucoup investi dans les infrastructures routières et sociales mais lamentablement très peu dans les secteurs productifs tels que le pétrole, l’énergie ou l’agriculture familiale. Concernant le pétrole, il n’a pas nationalisé le secteur mais renégocié les contrats avec les multinationales.
Mais très vite le MAS a commencé à construire un culte de la personnalité à EM, et le MAS, qui obtint 2/3 des sièges au Parlement, commença à contrôler toutes les instances de l’Etat.

Le mythe du protecteur de la „Pachamama“

EM oublia vite sa politique en faveur de la planète. Il devint le président favorable aux carburants d’origine végétale, à la construction des méga centrales hydroélectriques, à la production d’organismes génétiquement modifiés (OGM) et à l’exportation de viande et de soja. Il s’est assuré l’appui politique de l’oligarchie agroindustrielle et séparatiste qui, pendant son premier mandat, s’opposait à lui.

„Sa logique n’était plus d’avancer vers la production écologique mais de garantir la gouvernabilité et la prochaine réélection. Pour cela il fallait faire des concessions aux agroindustriels mais ils demandaient toujours d’avantage et à la fin le gouvernement terminait par appliquer leur programme.“

Ces mots sont de Pablo Solon, ambassadeur d’EM à l’ONU. En 2011 il s’est distancé d’EM quand celui-ci décida de construire une route à travers le „Territoire indigène et parc national Isiboro Sécure“ et réprima violemment les indigènes contestataires.

EM a facilité les concessions minières et forestières. En 2019, les incendies de forêts ont atteint une superficie de 18.000 km2, dont une grande partie dans des aires protégées. Or EM a promulgué les lois qui les favorisent.

Nous voilà bien loin du mythe du président indigène démocratique, socialiste et protecteur de la „Pachamama“, la Mère Terre.

* L’auteur est membre de „déi Lénk“, instituteur à la retraite (depuis 2018), ex-président de l’ONG Frères des Hommes et marié à une Bolivienne

Aguilar Monica
6. Januar 2020 - 22.54

Je suis bolivienne et cette article il exprime exactement l’actualité bolivienne . Bravo à l’auteur pour décrire la réalité .